Dans un contexte où le déficit de la Sécurité sociale atteint des records, la Cour des comptes vient de mettre sur la table un plan ambitieux pour redresser la barre. Les sages de la rue Cambon ont dévoilé une série de mesures visant à économiser jusqu’à 20 milliards d’euros sur l’assurance-maladie d’ici 2027. Ces propositions arrivent à point nommé, alors que le gouvernement prépare sa conférence sur les finances publiques et cherche désespérément des leviers pour réduire un déficit qui donne le vertige aux économistes.
Déficit croissant de la Sécurité sociale : une situation « insoutenable »
Pierre Moscovici n’a pas mâché ses mots lors de la présentation du rapport. Le premier président de la Cour des comptes a qualifié la situation de « totalement insoutenable » avec un déficit qui pourrait atteindre 17,2 milliards d’euros cette année pour la seule branche maladie, et plus de 20 milliards en 2025 si rien n’est fait.
« Le déficit cumulé de la Sécurité sociale pourrait dépasser 100 milliards d’euros d’ici 2027 », a-t-il alerté, pointant l’urgence d’agir. L’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance-maladie) a connu une progression vertigineuse ces dernières années, gonflé par les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire mais aussi par des tendances structurelles préoccupantes.
Face à cette situation, les magistrats financiers proposent un ensemble de mesures permettant de réaliser « entre 15 et 20 milliards d’euros d’économies » sur quatre ans, sans pour autant remettre en cause le principe fondamental d’un accès aux soins pour tous.
Les économies ciblées contre la fraude à l’assurance-maladie
La lutte contre la fraude constitue l’un des premiers leviers identifiés par la Cour des comptes. Selon son analyse, près de 2 milliards d’euros pourraient être économisés en renforçant les contrôles et en modernisant les outils de détection des caisses primaires d’assurance-maladie.
« Les contrôles actuels ne couvrent qu’une fraction minime des actes et prestations remboursés », souligne le rapport, qui pointe notamment des fraudes sur les arrêts de travail, les transports sanitaires et certains actes médicaux fictifs ou surcotés.
Le déploiement d’outils d’intelligence artificielle pour détecter les anomalies et le renforcement des moyens humains dédiés aux contrôles figurent parmi les recommandations prioritaires. La Cour propose également d’étendre les sanctions pour les professionnels de santé récidivistes dans le cadre de fraudes avérées.
Réduire l’hétérogénéité des pratiques médicales entre départements
Les disparités territoriales constituent un gisement d’économies considérable selon la Cour des comptes. L’analyse des données révèle des écarts de dépenses par patient pouvant atteindre 30% entre certains départements, sans justification médicale apparente.
« Un Haut-Savoyard coûte en moyenne 30% de moins à l’assurance-maladie qu’un Haut-Corse », illustre le rapport, qui estime qu’un alignement sur les pratiques des départements les plus vertueux permettrait d’économiser jusqu’à 4 milliards d’euros.
La Cour recommande de renforcer les référentiels de bonnes pratiques et d’instaurer des mécanismes d’incitation financière pour les médecins adoptant des pratiques plus sobres. L’ampleur des économies potentielles justifie selon elle une action résolue pour harmoniser les pratiques médicales sur l’ensemble du territoire.
La baisse des prix des produits de santé comme levier d’économies
Sur les médicaments et dispositifs médicaux, la Cour des comptes identifie un potentiel d’économies de 5,3 milliards d’euros. Plusieurs pistes sont évoquées : la négociation plus agressive des prix avec les laboratoires pharmaceutiques, la promotion des génériques et biosimilaires, et la lutte contre le gaspillage.
« La France achète encore trop cher certains produits de santé par rapport à ses voisins européens », note le rapport, qui pointe également une sous-utilisation persistante des médicaments génériques dans certaines classes thérapeutiques.
La Cour propose aussi d’optimiser l’usage des médicaments coûteux en milieu hospitalier et de revoir les modalités de prise en charge de certains dispositifs médicaux dont le service médical rendu n’est pas pleinement démontré, tout en garantissant l’accès à l’innovation pour les patients.
Solliciter davantage les complémentaires santé
L’une des propositions les plus controversées concerne le transfert de certaines dépenses de l’assurance-maladie obligatoire vers les complémentaires santé. La Cour des comptes suggère que ces dernières prennent en charge une part plus importante des soins courants, permettant à l’assurance-maladie de se recentrer sur les risques lourds.
Cette proposition a immédiatement fait réagir Eric Chenut, président de la Mutualité Française : « Un tel transfert conduirait mécaniquement à une hausse des cotisations des complémentaires santé, ce qui pénaliserait particulièrement les populations les plus fragiles. »
La Cour estime pourtant qu’un rééquilibrage du financement entre assurance obligatoire et complémentaire pourrait générer jusqu’à 3 milliards d’économies pour la Sécurité sociale, tout en reconnaissant la nécessité de prévoir des mécanismes de compensation pour les publics vulnérables.
D’autres pistes: remboursements adaptés et révision des indemnités
Parmi les autres mesures proposées figure une modulation des remboursements en fonction de l’efficacité prouvée des traitements. « Certains soins pourraient être moins bien remboursés lorsque leur efficacité est limitée ou que des alternatives moins coûteuses existent », suggère la Cour des comptes.
La révision du système d’indemnisation des accidents du travail est également évoquée. Les magistrats financiers proposent d’adapter les niveaux d’indemnisation aux évolutions du marché du travail et des conditions d’exercice professionnel, avec un potentiel d’économies estimé à 1,2 milliard d’euros.
Le rapport préconise aussi une meilleure coordination entre les différentes branches de la Sécurité sociale et une simplification administrative qui pourrait générer 800 millions d’euros d’économies de gestion. « Les doublons et la complexité administrative pèsent non seulement sur les finances publiques mais aussi sur les usagers », souligne-t-il.
Conclusion et perspectives
Les propositions de la Cour des comptes interviennent à un moment crucial pour les finances publiques françaises. Si ces économies peuvent paraître drastiques, Pierre Moscovici insiste sur le fait qu’elles « préservent les principes fondamentaux de notre système de santé tout en le rendant financièrement soutenable. »
Le gouvernement, confronté à un déficit public global qui approche les 6% du PIB, devra trancher dans les prochaines semaines sur les mesures à adopter. Les arbitrages s’annoncent délicats entre impératifs budgétaires et préservation d’un modèle social auquel les Français restent profondément attachés.
L’enjeu est de taille : réussir à moderniser l’assurance-maladie sans dénaturer ses principes fondateurs. Comme le résume un expert du secteur : « Ces 20 milliards ne sont pas qu’un chiffre, ils représentent un choix de société sur l’avenir de notre protection sociale. »
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Je suis Aurore Royer, passionnée d’actu assurance. J’ai toujours aimé anticiper les risques, mais ce qui me surprend, c’est comment une bonne couverture peut sauver une entreprise. L’assurance, c’est la tranquillité d’esprit.